"Une attitude réductrice est à l’œuvre dans les tentatives de récupération du climat – considéré comme seule crise existentielle – ou de la Covid – considérée comme principale maladie au mépris de toutes autres. Dans le cadre de l’érosion de la biodiversité, il y a bien également une tentative de réduction qui consiste à faire croire que l’homme est le seul responsable de celle-ci. C’est tout du moins le récit que privilégient les biodiversitocrates. J’ai montré comment la culpabilisation de l’homme contribuait à moraliser le discours sur la biodiversité. Étrangement, les biodiversitocrates insistent pour faire de l’homme le seul et unique responsable de cette érosion. Il est pourtant tout à fait évident que l’extinction de la biodiversité peut être due à une tout autre cause. C’est d’abord la paléontologie qui nous en donne les grandes lignes.
La première extinction est celle de l’Ordovicien, il y a 445 millions d’années : une période glaciaire a été à l’origine d’un taux de disparition de 60 %. Puis vint celle du Dévonien, il y a 360 à 375 millions d’années : l’épuisement de l’oxygène dans les océans aurait été à l’origine de la disparition de 75 % de toutes les espèces. La troisième extinction est celle du Permien, il y a 252 millions d’années, avec un taux de disparition de 95 % des espèces dû vraisemblablement à une activité volcanique ou un impact d’astéroïdes. La quatrième extinction est celle du Trias, qui s’est produite il y a 200 millions d’années, dont les causes restent en questionnement. L’extinction la plus récente enfin et la plus connue, est celle du Crétacé, il y a 66 millions d’années avec un taux de disparition d’espèce de 75 % dû à l’impact d’un astéroïde.
Les menaces existentielles qui pèsent sur la biodiversité sont diverses et affirmer que l’humanité est la principale cause de la sixième extinction de masse, au regard de ces événements antérieurs, relève de la conjecture : n’importe quel autre événement pourrait survenir et causer une catastrophe.
Comme on le sait, cette tendance à faire porter uniquement le chapeau à l’humanité pour la destruction de la biodiversité est concomitante de la naissance du concept d’Anthropocène, ère de l’humain qui débuterait au début du XVIIIe siècle en succédant à l’Holocène. Cette ère serait caractérisée par une maîtrise de l’humain sur la biosphère. N’est-il pas toutefois trop tôt pour se prononcer sur l’existence de cette nouvelle époque[1] ? C’est la question que se pose Vaclav Smil. Pour appuyer son raisonnement, le professeur de l’Université de Manitoba acquiesce sur le fait que nous détruisons la biodiversité, en épandant nos déchets, en déforestant à large échelle, en accélérant l’érosion des sols, en polluant via l’agriculture, les villes, les industries et les transports… Smil reconnaît le caractère sans précédent de toutes ces actions, cependant il s’interroge : « Mais notre contrôle du sort de la planète est-il vraiment si total ? Il y a beaucoup de preuves contradictoires. Les variables fondamentales qui rendent possible la vie sur terre – les réactions thermonucléaires qui alimentent le soleil, imprégnant la planète de rayonnement ; la forme, la rotation, l’inclinaison de la planète, l’excentricité de sa trajectoire orbitale (le “pacemaker” des périodes glaciaires) et la circulation de son atmosphère – sont toutes au-delà de toute interférence humaine. Nous ne pouvons jamais non plus espérer contrôler les énormes processus de terraformation, de la tectonique des plaques de la Terre, entraînés par la chaleur interne et entraînant la création lente, mais constante de nouveaux fonds marins ; formant, remodelant et élevant des masses terrestres dont la distribution et les altitudes sont des déterminants clés de la variabilité et de son habitabilité. » Et Smil de poursuivre sur le fait que nous regardons, impuissants, les phénomènes dus à la tectonique des plaques (éruptions volcaniques, tsunami, tremblements de terre)… De grandes villes telles que Tokyo, Beijing ou encore Los Angeles voient leur existence suspendue à un tremblement de terre, quant à l’humanité elle pourrait disparaître à l’issue d’une éruption volcanique. Rien ne nous prouve même du point de vue civilisationnel que nous sommes à l’abri d’un impact d’astéroïde. « Dans n’importe quelle année, ces événements ont de très faibles probabilités, mais à cause de leur capacité de destruction énorme, leurs effets sont en dehors de l’expérience de l’histoire humaine […] nous ne pouvons prétendre que sur le long terme, elles sont moins importantes que la perte d’espèces forestières ou la combustion d’énergies fossiles. »
Smil ajoute enfin que, partant du principe que toutes les ères qui se sont succédé avant la nôtre ont toutes duré en moyenne 2,5 millions d’années, il est donc un peu tôt pour juger de l’existence de notre ère qui a un peu plus de 10 000 ans…. Et de s’interroger : « Réussirons-nous à être présents encore pour les 10 000 prochaines années […] on peut se congratuler en nommant une ère formée par nos actions. Mais dans le même temps, attendons de voir avant de déterminer si notre marque sur cette planète est, quelque chose de plus qu’une microcouche dans l’enregistrement géologique. »
Cette tendance réductrice à vouloir inculquer la seule faute de l’érosion de la biodiversité à l’homme est comme on le voit sans aucun fondement. Par le passé, d’autres causes ont généré de grandes extinctions et rien ne nous dit qu’à l’avenir cela ne se reproduira pas… lier de manière irrémédiable l’érosion de la biodiversité et la sixième extinction à la maîtrise que l’humanité aurait prétendument acquise sur son environnement ne repose sur aucun fondement crédible. Hélas, c’est encore une belle opportunité pour le biodiversitocrate de manipuler l’opinion et s’assurer de prendre le pouvoir sur lui !
La première extinction est celle de l’Ordovicien, il y a 445 millions d’années : une période glaciaire a été à l’origine d’un taux de disparition de 60 %. Puis vint celle du Dévonien, il y a 360 à 375 millions d’années : l’épuisement de l’oxygène dans les océans aurait été à l’origine de la disparition de 75 % de toutes les espèces. La troisième extinction est celle du Permien, il y a 252 millions d’années, avec un taux de disparition de 95 % des espèces dû vraisemblablement à une activité volcanique ou un impact d’astéroïdes. La quatrième extinction est celle du Trias, qui s’est produite il y a 200 millions d’années, dont les causes restent en questionnement. L’extinction la plus récente enfin et la plus connue, est celle du Crétacé, il y a 66 millions d’années avec un taux de disparition d’espèce de 75 % dû à l’impact d’un astéroïde.
Les menaces existentielles qui pèsent sur la biodiversité sont diverses et affirmer que l’humanité est la principale cause de la sixième extinction de masse, au regard de ces événements antérieurs, relève de la conjecture : n’importe quel autre événement pourrait survenir et causer une catastrophe.
Comme on le sait, cette tendance à faire porter uniquement le chapeau à l’humanité pour la destruction de la biodiversité est concomitante de la naissance du concept d’Anthropocène, ère de l’humain qui débuterait au début du XVIIIe siècle en succédant à l’Holocène. Cette ère serait caractérisée par une maîtrise de l’humain sur la biosphère. N’est-il pas toutefois trop tôt pour se prononcer sur l’existence de cette nouvelle époque[1] ? C’est la question que se pose Vaclav Smil. Pour appuyer son raisonnement, le professeur de l’Université de Manitoba acquiesce sur le fait que nous détruisons la biodiversité, en épandant nos déchets, en déforestant à large échelle, en accélérant l’érosion des sols, en polluant via l’agriculture, les villes, les industries et les transports… Smil reconnaît le caractère sans précédent de toutes ces actions, cependant il s’interroge : « Mais notre contrôle du sort de la planète est-il vraiment si total ? Il y a beaucoup de preuves contradictoires. Les variables fondamentales qui rendent possible la vie sur terre – les réactions thermonucléaires qui alimentent le soleil, imprégnant la planète de rayonnement ; la forme, la rotation, l’inclinaison de la planète, l’excentricité de sa trajectoire orbitale (le “pacemaker” des périodes glaciaires) et la circulation de son atmosphère – sont toutes au-delà de toute interférence humaine. Nous ne pouvons jamais non plus espérer contrôler les énormes processus de terraformation, de la tectonique des plaques de la Terre, entraînés par la chaleur interne et entraînant la création lente, mais constante de nouveaux fonds marins ; formant, remodelant et élevant des masses terrestres dont la distribution et les altitudes sont des déterminants clés de la variabilité et de son habitabilité. » Et Smil de poursuivre sur le fait que nous regardons, impuissants, les phénomènes dus à la tectonique des plaques (éruptions volcaniques, tsunami, tremblements de terre)… De grandes villes telles que Tokyo, Beijing ou encore Los Angeles voient leur existence suspendue à un tremblement de terre, quant à l’humanité elle pourrait disparaître à l’issue d’une éruption volcanique. Rien ne nous prouve même du point de vue civilisationnel que nous sommes à l’abri d’un impact d’astéroïde. « Dans n’importe quelle année, ces événements ont de très faibles probabilités, mais à cause de leur capacité de destruction énorme, leurs effets sont en dehors de l’expérience de l’histoire humaine […] nous ne pouvons prétendre que sur le long terme, elles sont moins importantes que la perte d’espèces forestières ou la combustion d’énergies fossiles. »
Smil ajoute enfin que, partant du principe que toutes les ères qui se sont succédé avant la nôtre ont toutes duré en moyenne 2,5 millions d’années, il est donc un peu tôt pour juger de l’existence de notre ère qui a un peu plus de 10 000 ans…. Et de s’interroger : « Réussirons-nous à être présents encore pour les 10 000 prochaines années […] on peut se congratuler en nommant une ère formée par nos actions. Mais dans le même temps, attendons de voir avant de déterminer si notre marque sur cette planète est, quelque chose de plus qu’une microcouche dans l’enregistrement géologique. »
Cette tendance réductrice à vouloir inculquer la seule faute de l’érosion de la biodiversité à l’homme est comme on le voit sans aucun fondement. Par le passé, d’autres causes ont généré de grandes extinctions et rien ne nous dit qu’à l’avenir cela ne se reproduira pas… lier de manière irrémédiable l’érosion de la biodiversité et la sixième extinction à la maîtrise que l’humanité aurait prétendument acquise sur son environnement ne repose sur aucun fondement crédible. Hélas, c’est encore une belle opportunité pour le biodiversitocrate de manipuler l’opinion et s’assurer de prendre le pouvoir sur lui !
Limites d’une science engagée
En instaurant comme incontestable la thèse de la sixième extinction, signe d’une érosion inédite de la biodiversité, en caractérisant de biodiversité-sceptiques les contradicteurs de cette thèse, puis en introduisant la morale dans le discours (les méchants, les profiteurs, les humains), puis en surenchérissant sur les différents comptages, puis en propageant des expériences biaisées qui sélectionnent uniquement les espèces qui ont une connotation positive dans l’opinion et enfin, en faisant de l’humanité la seule responsable de ladite érosion au travers de l’Anthropocène, les biodiversitocrates déroulent leur scénario et imposent leurs thèses.
J’ai démontré comment les politiques récupéraient la science du climat et de la pandémie à leur compte, au travers de plusieurs manœuvres ; ce sont les mêmes sophismes qui se retrouvent ici à l’œuvre : imposer le consensus, moraliser le débat, effacer les limites, biaiser l’expérience, réduire la causalité… tout un arsenal de techniques qui permet de renforcer le discours politique en lui donnant « les certitudes de la science ». Cela dit, dans le cas de la biodiversité, les choses sont plus transparentes : les pères fondateurs du concept ne s’étaient pas caché qu’il fallait un engagement politique à côté de la science pour faire porter le discours (Robert Barbault parlait carrément de « science engagée »).
Le biodiversitocrate a donc à sa disposition toute une gamme de sophismes pour décrire un état des lieux catastrophique et entériner de nouvelles lois. Il déduit directement la législation qu’il va établir des études portées sur le vivant et, plus particulièrement, cette cause qui est la sauvegarde de la biodiversité. La fin justifie les moyens pour empêcher la sixième extinction y compris mettre un terme à l’évolution et plus particulièrement à l’histoire humaine.
Il faut toutefois s’interroger à nouveau sur la scientificité du concept de biodiversité. Ensuite, on verra qu’en se concentrant sur l’interdiction de certaines activités humaines, le biodiversitocrate oublie que ce sont ces mêmes activités qui peuvent être également facteurs de biodiversité.
Se présente à nouveau le débat entre la science du législateur et celle de l’ingénieur (ou plus particulièrement celle de l’ingénieur agronome et de l’agriculteur). Les premiers ne trouveront que la politique pour sauvegarder la biodiversité et limiter l’action humaine alors que les seconds tenteront d’intégrer le développement de l’activité humaine dans l’évolution du vivant."
J’ai démontré comment les politiques récupéraient la science du climat et de la pandémie à leur compte, au travers de plusieurs manœuvres ; ce sont les mêmes sophismes qui se retrouvent ici à l’œuvre : imposer le consensus, moraliser le débat, effacer les limites, biaiser l’expérience, réduire la causalité… tout un arsenal de techniques qui permet de renforcer le discours politique en lui donnant « les certitudes de la science ». Cela dit, dans le cas de la biodiversité, les choses sont plus transparentes : les pères fondateurs du concept ne s’étaient pas caché qu’il fallait un engagement politique à côté de la science pour faire porter le discours (Robert Barbault parlait carrément de « science engagée »).
Le biodiversitocrate a donc à sa disposition toute une gamme de sophismes pour décrire un état des lieux catastrophique et entériner de nouvelles lois. Il déduit directement la législation qu’il va établir des études portées sur le vivant et, plus particulièrement, cette cause qui est la sauvegarde de la biodiversité. La fin justifie les moyens pour empêcher la sixième extinction y compris mettre un terme à l’évolution et plus particulièrement à l’histoire humaine.
Il faut toutefois s’interroger à nouveau sur la scientificité du concept de biodiversité. Ensuite, on verra qu’en se concentrant sur l’interdiction de certaines activités humaines, le biodiversitocrate oublie que ce sont ces mêmes activités qui peuvent être également facteurs de biodiversité.
Se présente à nouveau le débat entre la science du législateur et celle de l’ingénieur (ou plus particulièrement celle de l’ingénieur agronome et de l’agriculteur). Les premiers ne trouveront que la politique pour sauvegarder la biodiversité et limiter l’action humaine alors que les seconds tenteront d’intégrer le développement de l’activité humaine dans l’évolution du vivant."
[1] Vaclav Smil, Why calls for the Anthropocene era may be premature, Numbers don’t lie, Penguin Books, 2021